« Un jour, j’ai assisté à un concert de piano d’Hélène Arnault et de Brigitte Engerer… Tout est parti de là. C’est le buffet d’orgue de la Salle Gaveau qui m’a inspiré », expliquait Karl Lagerfeld avant le défilé Chanel. De fait, sous la verrière du Grand Palais, des tubes d’acier captent le soleil de juillet. Un chaud et froid qui provient également de la palette de la collection qui décline les tons de gris, oxyde, mercure, acier, inox… À la taille, ou entravant les genoux au niveau de l’ourlet, les tuyautés contraignent le volume ou créent des ampleurs froncées. Ainsi, les jupes corolle alternent avec des modèles ballon coupés dans le taffetas de soie, la faille et le satin duchesse, étoffes rêvées pour théâtraliser les volumes.
Parfois, une manche lampion en superposition de tulle, des épaules à la carrure tourbillonnante dans un enroulement de satin de soie ou un volume en bec entre les omoplates rendent cette haute couture presque expérimentale. Les fabuleuses petites mains de Chanel transforment cette collection en laboratoire de virtuosité. Tous les tuyautés, en crin ou en tulle, sont bien sûr réalisés à la main, comme les colombages de mousseline noire sur tweed.
Les perruques années 1920 et l’œil à la paupière gris fer semblent sortir des films de Murnau. Malgré l’excellence de l’exercice, la collection ne s’inscrit pas parmi les plus « chanelisantes » que la griffe ait produites, mais prouve que Karl Lagerfeld sait sortir des sentiers battus avec brio et une inventivité toujours renouvelée. Même les camélias qui emplissent une capuche au dos d’une robe longue sont passés au gris souris. Un Chanel hors norme, parfois aussi imposant que les grandes orgues dont il s’inspire. Ite missa est.